HUISSIER DE JUSTICE - Fonction et responsabilité

 Huissiers

POINTS-CLES

 

1. - L'huissier de justice est civilement responsable des dommages qu'il cause à autrui dans l'exercice de ses fonctions (V. n° 13). Selon les cas, il engage alors sa responsabilité contractuelle (V. n° 16, 17) ou délictuelle (V. n° 18 à 28). Pour autant, la distinction classique entre les deux ordres de responsabilité a aujourd'hui tendance à s'estomper devant l'émergence de la notion de faute professionnelle (V. n° 15, 29 à 40).

2. - L'huissier est civilement responsable non seulement envers son client (V. n° 19 à 22), mais encore à l'égard du débiteur et des tiers (V. n° 23 à 28).

3. - Récemment, un nouveau contentieux est apparu relatif aux jeux et loteries publicitaires à l'occasion desquels la responsabilité de l'huissier de justice peut être mise en cause (V. n° 26).

4. - C'est désormais à l'huissier qu'il appartient de rapporter la preuve de l'exécution de son obligation de conseil (V. n° 40).

5. - Le juge de l'exécution est compétent, le cas échéant, pour connaître des demandes en réparation fondées sur l'exécution ou l'inexécution dommageables des mesures d'exécution forcées ou des mesures conservatoires (V. n° 61 à 64).

INDEX

 

Actes

        inutiles ou injustifiés, 21, 53, 54

        nuls, 19, 20, 22, 53, 54

        Rédaction et négociation, 35

Chambre de discipline, 77 à 81

– départementale des huissiers de justice, 59, 81, 88

– nationale des huissiers de justice, 58, 59

Délais de prescription

        V. Prescription

Dépens, 53, 54

Discipline

        V. Responsabilité disciplinaire

Dommage

        V. Préjudice

Dommages-intérêts, 22, 28, 55 à 57, 64, 66, 83, 85

Expulsion, 25, 31, 34, 43, 44, 46

Faute

        Absence, 41 à 44

        civile, 15 à 22

        disciplinaire, 68, 69

Fonctions de l'huissier, 2 à 7

        Monopole, 3

Force publique, 43, 44

Frais, 3, 46, 53, 54, 56, 88

Garantie de la réparation, 50, 58, 59, 64

Juge de l'exécution, 25, 61 à 64

– des référés, 32, 43, 88, 89

Lien de causalité, 48 à 50

Loterie, 26

Mandat

        Accomplissement, 43

        Dépassement, 22

        Exécution défectueuse, 17, 44

        Inexécution, 17, 44

        Spécial, 42

Notification, 3, 20, 79

Obligation de conseil et de renseignement, 36 à 40

– de diligence, 30 à 35, 42, 47

– de moyens, 34

– de résultat, 34

– de vérification, 32, 35

Partage de responsabilité, 50

Peines disciplinaires

        V. Sanctions disciplinaires

Perte de chance

        V. Préjudice

Préjudice, 45 à 47

        Absence, 47

        Corporel, 46

        Matériel, 46

        Moral, 46

        Perte de chance, 46

Prescription, 65, 66

Présomption d'innocence, 87

Preuve, 40

Procédure, 60 à 66, 76 à 89

Recouvrements, 3, 24, 34, 46, 47, 57

Réparation, 52 à 59

Responsabilité civile, 8 à 12

        Effets, 51 à 59

        Faute, 15 à 44

                contractuelle, 16, 17, 55

                délictuelle, 3, 18 à 28, 55

                professionnelle, 29 à 40

– de l'État, 44

– disciplinaire, 11, 28, 66 à 89

        Causes, 3, 68, 69

        Procédure, 76 à 89

        Sanctions disciplinaires, 70 à 75

– du fait d'autrui, 3, 10

– envers le client, 19 à 22

– – les tiers, 23 à 28

– pénale, 3, 28, 68, 73, 76, 87, 89

– professionnelle, 15

Restitution, 57

Saisie, 3, 17, 20, 32, 33, 38, 42 à 44, 46, 47, 49

Secret professionnel, 28

Signification, 3, 6, 20, 31 à 35, 38, 44, 46

Suspension provisoire, 86 à 89

Tribunal de grande instance, 61 à 64, 79, 80, 82 à 85, 87, 89

Voie de recours, 54, 81, 85

 

I. –  Introduction

1. – L'étude de la responsabilité des huissiers de justice (B) exige que soient précisées brièvement les fonctions de ces derniers (A). Pour une analyse détaillée de ces fonctions, V. F. Kamara, Agents de l'exécution :  J.-Cl. Procédure civile  Fasc. 2180, 9 à 126.

A. –  Fonctions de l'huissier

2. – Le statut des huissiers de justice est régi par l'ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945 (modifiée à maintes reprises par des textes ultérieurs), qui a fait l'objet du décret d'application n° 56-222 du 29 février 1956 (réformé lui aussi plusieurs fois). Ces dispositions ont été complétées par la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 et la loi n° 92-644 du 13 juillet 1992.


3. – Aux termes de l'article 1 de l'ordonnance, les huissiers de justice sont des officiers ministériels qui exercent trois séries de fonctions.

Tout d'abord, ils ont seuls qualité pour signifier les actes et les exploits, faire les notifications prescrites par les lois et règlements lorsque le mode de notification n'a pas été précisé et ramener à exécution les décisions de justice, ainsi que les actes et titres en forme exécutoire.

L'ordonnance du 2 novembre 1945 confère ici un monopole aux huissiers de justice. Celui-ci a été clairement réaffirmé par l'article 18, alinéa 1 de la loi du 9 juillet 1991 modifié par la loi du 13 juillet 1992 : seuls peuvent procéder à l'exécution forcée et aux saisies conservatoires les huissiers de justice chargés de l'exécution. Toute personne qui enfreindrait ce monopole engagerait non seulement sa responsabilité civile, mais aussi sa responsabilité pénale, par application des articles 433-12 et 433-13 du Code pénal (M. Donnier et J.-B. Donnier, Voies d'exécution et procédures de distribution : 6e éd., Litec, 2001, n° 148).

Cette exclusivité a, cependant, une contrepartie : étant seuls chargés de procéder à l'exécution forcée et aux saisies conservatoires, ils sont tenus de prêter leur ministère ou leur concours à moins que la mesure requise leur paraisse revêtir un caractère illicite ou si le montant des frais paraît manifestement susceptible de dépasser le montant de la créance réclamée, à l'exception des condamnations symboliques que le débiteur refuserait d'exécuter ( L. n° 91-650, 9 juill. 1991, art. 18, al. 2, mod.  L. 13 juill. 1992 : JO 14 juill. 1991 et rect. 12 mai 1992). Le refus de l'huissier de justice engage à la fois sa responsabilité civile et disciplinaire (S. Guinchard et T. Moussa, Droit et pratique des voies d'exécution : 2001/2002, Dalloz action, n° 2300 et 2301).

Ensuite, les huissiers peuvent procéder au recouvrement amiable ou judiciaire de toutes créances et, dans les lieux où il n'est pas établi de commissaires-priseurs, aux prisées et ventes publiques de meubles et effets mobiliers corporels.

Enfin, ils peuvent être commis par justice ou requis par des particuliers pour procéder à des constatations purement matérielles qui sont exclusives de tout avis sur les conséquences de fait ou de droit pouvant en résulter et n'ont que la valeur de simples renseignements. La loi de 1991 a ajouté un article 1 bis à l'ordonnance de 1945, qui précise que les constats établis à la requête des particuliers peuvent être dressés par un clerc habilité à procéder aux constats nommé dans des conditions fixées par décret et dans la limite d'un clerc par office d'huissier de justice et de deux clercs par office lorsque son titulaire est une société civile professionnelle ; dans ce cas, les constats sont signés par le clerc habilité à procéder aux constats et contresignés par l'huissier de justice qui est civilement responsable du fait de son clerc.


4. – Les huissiers-audienciers sont, quant à eux, chargés d'assurer le service près les cours et les tribunaux.


5. – Il faut ajouter, d'une part, que les huissiers de justice sont autorisés à exercer certaines fonctions ou activités accessoires dont la liste et les conditions sont déterminées par décret en Conseil d'État, et d'autre part, qu'ils ont la possibilité d'exercer leur profession en commun dans le cadre de sociétés  (D. n° 69-1274, 31 déc. 1969 ; D. n° 92-1448, 31 déc. 1992).


6. – L'huissier de justice a donc pour mission d'accomplir des actes de procédure qui revêtent tantôt un caractère judiciaire, lorsqu'ils sont liés au déroulement d'une procédure contentieuse ou gracieuse ou visent à réaliser une exécution forcée, tantôt un caractère extrajudiciaire, lorsqu'ils produisent des effets en dehors de toute procédure juridictionnelle ; dans ce cas, ils sont souvent le préliminaire ou la suite d'une instance (J. Vincent et S. Guinchard, Procédure civile : 22e éd., 1991, n° 420). Les actes d'huissier prennent alors des formes variées : assignation, signification, sommation, constats, procès-verbaux (Ibid. n° 423. – P. Bertin, Les actes d'huissiers : Gaz. Pal. 1976, 1, doctr. p. 350).

7. – Toutefois, on ne saurait omettre qu'en raison de leurs compétences, les huissiers de justice peuvent être simplement requis comme professionnels du droit, à titre de rédacteurs ou de négociateurs d'actes sous seing privé ou bien à titre de conseils.

B. –  Responsabilités encourues par l'huissier

8. – En vertu des principes de droit commun, l'huissier engage, le cas échéant, sa responsabilité civile. Le législateur a cru, cependant, utile d'en rappeler le principe au sein de l'article 19 de la loi du 9 juillet 1991, qui dispose de façon subsidiaire que l'huissier de justice chargé de l'exécution a la responsabilité de la conduite des opérations d'exécution.

 

9. – Lorsque, par sa faute, l'huissier cause directement un dommage à autrui, il en est civilement responsable à titre personnel. À cet égard, il a été jugé que l'action en responsabilité professionnelle, introduite personnellement contre un huissier de justice, est recevable même si celui-ci exerce au sein d'une société civile professionnelle ; en effet, l'huissier conserve la responsabilité que lui confère son office ministériel pour les actes qu'il accomplit lui-même ou ceux qui sont accomplis sous sa responsabilité. La société en est civilement responsable, mais le huissiers restent indéfiniment tenus des dettes de la société ( CA Paris, 8e ch. sect. B., 18 nov. 1999, Riquier c/ Smaali :  Juris-Data n° 1999-105618. – V. P. Brunel, La juridiction de l'exécution et la responsabilité de l'huissier : compétence et conditions de mise en oeuvre : D. 1997, chron. p. 370).

 

10. – La Cour de cassation considère que l'huissier n'est pas le préposé de ses clients et qu'en cas de dommage causé à un tiers, ceux-ci ne peuvent être recherchés en responsabilité en vertu de l'article 1384, alinéa 5 du Code civil ( Cass. 1re civ., 28 mars 1984 : Bull. civ. I, n° 121). En revanche, l'huissier répond du fait de son clerc ( TGI Paris, 1re ch. 1re sect., 9 juill. 1980, Banque de l'Union immobilière UCIP SA c/ Me X : Gaz. Pal. 1982, 1, somm. p. 24) encore que, à cet égard, une partie de la doctrine souligne que les clercs ne sont pas toujours des préposés (G. Viney, Traité de droit civil, sous la direction de J. Ghestin, Introduction à la responsabilité : 2e éd., LGDJ, 1995, n° 244, note 123).

 

11. – Quant à la responsabilité disciplinaire des huissiers, son régime est fixé par l'ordonnance n° 45-1418 du 28 juin 1945 (modifiée par la  L. n° 73-546 du 25 juin 1973), relative à la discipline des notaires et de certains officiers ministériels, et par le décret n° 73-1202 du 28 décembre 1973, relatif à la discipline et au statut des officiers publics ou ministériels.

 

12. – La responsabilité civile des huissiers de justice retiendra l'attention avant que soient données quelques indications sur leur responsabilité disciplinaire.

II. –  Responsabilité civile des huissiers

13. – Malgré les réformes successives, les conditions (A) et les effets de la responsabilité des huissiers de justice (B) n'ont pas subi de changement notable au cours de ces dernières années, au moins en ce qui concerne les principes essentiels. En revanche, les questions relatives à la compétence du juge et aux règles de la prescription (C) ont fait, quant à elles, l'objet d'une évolution sur laquelle il convient d'insister.

A. –  Conditions de la responsabilité

14. – Les conditions de la responsabilité ne présentent guère de spécificité par rapport au droit commun. La responsabilité civile des huissiers suppose, en effet, l'existence d'une faute de l'huissier mis en cause (1°), d'un préjudice souffert par son client ou un tiers (2°) et d'un lien de causalité entre la faute et le dommage (3°).

1° Faute

15. – Selon les hypothèses envisagées, l'huissier de justice commet une faute contractuelle (a) ou délictuelle (b). Il est à relever que plusieurs auteurs ont proposé d'abandonner la distinction entre ces deux ordres de responsabilité : il s'agirait alors de consacrer "une responsabilité professionnelle" de l'intéressé (P. Serlooten, Vers une responsabilité professionnelle ? : Mélanges Hébraud, Éd. Université des sciences sociales de Toulouse, p. 805. – G. Viney, Traité de droit civil, sous la direction de J. Ghestin, Introduction à la responsabilité : 2e éd., LGDJ, 1995, n° 243 s. – P. le Tourneau, Les professionnels ont-ils du coeur ? : D. 1990, chron. p. 21. – D. Lochouarn, La responsabilité professionnelle des huissiers de justice : Rev. huissiers 1997, p. 745). Sans prendre directement parti sur la question, force est toutefois de reconnaître que les obligations professionnelles de l'huissier sont souvent indépendantes de la responsabilité retenue (c).

a) Faute contractuelle

16. – Il est admis que l'huissier est un mandataire ; il est donc soumis aux articles 1991 à 1997 du Code civil et supporte, à l'égard de ses clients, une responsabilité de nature contractuelle (par ex.,  Cass. req., 3 juill. 1935 : DH 1935, 458 ; Gaz. Pal. 1935, 2, 701. –  TGI Paris, 18 juin 1969 : Gaz. Pal. 1969, 2, p. 379, obs. anonymes. –  Cass. 1re civ., 13 janv. 1987 : Bull. civ. I, n° 12. –  Cass. 1re civ., 3 déc. 1996, Zarai c/ Grisillon :  Juris-Data n° 1996-004671 ; Bull. civ., I, n° 435;  Resp. civ. et assur. 1997, comm. 102 ; JCP G 1997, IV, 208 ; D. 1997, inf. rap. p. 12 ; Rev. huissiers 1998, 612, note R. Martin ; Gaz. Pal. 19-20 févr. 1997, pan. jurispr. p. 39. – P. le Tourneau, La responsabilité civile : 3e éd., Dalloz, 1982, n° 1649. –Pour une qualification de louage d'ouvrage, V. obs. sous  TGI Paris, 18 juin 1969 : préc.).

17. – L'huissier est responsable en cas d'exécution défectueuse du mandat. Par ailleurs, s'il s'abstient, de manière injustifiée, d'accomplir ce dont il a été chargé, il commet une faute consistant dans une inexécution pure et simple du mandat ( CA Angers, 1re ch. A, 12 déc. 1990 : Juris-Data n° 1990-051399, à propos d'un huissier ayant refusé de procéder à une saisie-revendication de marchandises, alors qu'il avait été régulièrement mandaté pour le faire et qu'il disposait des documents pour y procéder. –  CA Caen, 1re ch. sect. civ. et com., 10 févr. 2000, David c/ Trésorier payeur général du Calvados :  Juris-Data n° 2000-119649, pour un huissier ayant accordé un délai supplémentaire au débiteur sans l'accord du créancier). L'inexécution du mandat fait présumer la faute, hors cas fortuit ( Cass. soc., 30 nov. 1945 : D. 1946, p. 155).

En vertu du principe du non-cumul des deux ordres de responsabilité, tous les autres cas de responsabilité ressortissent au domaine délictuel.

b) Faute délictuelle

18. – Bien évidemment, à l'égard du débiteur et des tiers, qui ne sont pas parties au contrat, l'huissier n'engage que sa responsabilité délictuelle (2). Mais il arrive aussi que l'huissier commette une faute délictuelle au préjudice de son client (1).

1) Responsabilité de l'huissier à l'égard de son client

19. – Même dans ses rapports avec ses clients, l'huissier n'encourt pas toujours une responsabilité contractuelle. Tel est le cas lorsque l'huissier est responsable de la nullité ou de l'inutilité d'un acte ou d'une procédure. Cette responsabilité trouvant sa source dans la loi, à savoir dans les articles 650 et 698 du Nouveau Code de procédure civile ( articles 71 et 1031 du Code de procédure civile), et non dans le contrat liant l'huissier à son client, elle est de nature délictuelle et n'est donc pas soumise aux dispositions de l'article 1150 du Code civil ( Cass. 1re civ., 2 mars 1966 :  JCP G 1966, II, 14622, note J. A. –  TGI Seine, 20 nov. 1963 :  JCP G 1963, II, 13622 bis, note J. A.).

En l'occurrence, la faute de l'huissier est aisée à caractériser, car elle résulte directement de la constatation de la nullité ou de l'inutilité de l'acte. On peut en déduire que les articles 650 et 698 du Nouveau Code de procédure civile consacrent un régime de responsabilité objective (V. P. Brunel : op. cit.).

20. – Actes, instances et procédures nuls - Selon l'article 2, alinéa 3 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, les huissiers sont responsables de la rédaction de leurs actes sauf, lorsque l'acte a été préparé par un autre officier ministériel, pour les indications matérielles qu'ils n'ont pas pu eux-mêmes vérifier ( Cass. 1re civ., 22 nov. 1988 : Bull. civ., n° 327 ; D. 1988, inf. rap. p. 293, qui, sur le fondement de ce texte, condamne pour omissions fautives l'huissier qui a dressé un constat incomplet des lieux qu'une société immobilière envisageait de donner à bail. –  CA Douai, 1re ch., 19 févr. 1992 : Juris-Data n° 1992-040407, à propos d'un huissier qui, dans le procès-verbal de description des biens mis en vente, inscrit un immeuble non désigné dans le commandement de saisie).

Toutefois, à côté de ce texte de portée générale, des dispositions spéciales sanctionnent plus particulièrement l'obligation faite à l'huissier rédacteur d'accomplir toutes les formalités requises par la loi pour la validité des actes de son ministère. Aux termes des articles 650 et 698 du Nouveau Code de procédure civile  (CPC, art. 71 et 1031) et 566 du  Code de procédure pénale (, art. 145 du Code de l'instruction criminelle), l'huissier engage en effet sa responsabilité lorsqu'il a commis une faute ayant entraîné la nullité d'un acte, d'une instance ou d'une procédure.

Il faut indiquer que si la nullité d'un acte d'huissier pour vice de forme est soumise à la règle "pas de nullité sans texte", il existe une exception en cas d'inobservation par l'huissier d'une formalité substantielle ou d'ordre public. Ainsi, en matière pénale, la signification à l'accusé de la liste du jury de session est-elle considérée comme une formalité substantielle aux droits de la défense qui est réputée omise lorsque son accomplissement n'est pas régulièrement constaté (V. notamment,  Cass. crim., 6 oct. 1971, cité infra).

En vertu de la loi, est donc responsable l'huissier qui, dans l'exploit par lequel la liste du jury de session est notifiée à l'accusé, commet des irrégularités de forme ayant pour effet l'annulation de l'arrêt de la cour d'assises, soit que l'huissier ne mentionne pas la personne à laquelle il parle de telle sorte qu'il n'est pas légalement établi que l'accusé a personnellement reçu la copie de l'exploit ( Cass. crim., 15 nov. 1944 : D. 1945, jurispr. p. 147), soit qu'il surcharge la date de cet exploit, ce qui laisse incertain le point de savoir si la liste du jury a été notifiée à l'accusé dans le délai légal ( Cass. crim., 8 avr. 1948 : D. 1948, jurispr. p. 312), soit qu'il n'ait pas signé l'exploit de signification ( Cass. crim., 6 oct. 1971 : Bull. crim., n° 252 ; D. 1971, jurispr. p. 705). A également été jugé responsable l'huissier qui n'a pas indiqué l'heure de l'audience dans la citation devant la cour d'appel dont la décision devra alors être cassée ( Cass. crim., 5 avr. 1987 : Bull. crim., n° 179) ou celui qui, après avoir signifié en mairie un commandement de payer des loyers arriérés, avise le locataire après le délai légal, ce qui entraînera l'annulation du commandement et la réintégration dans les lieux du preneur qui, entre-temps, avait été expulsé ( Cass. 1re civ., 2 mars 1966, préc. –  TGI Seine, 20 nov. 1963, préc.). L'huissier commet aussi une faute professionnelle lorsqu'il délivre un acte de signification d'un jugement ultérieurement frappé de nullité ( TGI Paris, 1re ch. 1re sect., 14 mai 1997, Le Fur c/ SCA Avalle :  Juris-Data n° 1997-041475). Il en va de même dans l'hypothèse où, parce qu'il n'avait pas vérifié les pouvoirs de son mandant, il a délivré un acte nul pour défaut de qualité d'une personne morale représentant une partie à l'instance ( CA Versailles, 1re ch., 2e sect., 4 oct. 1996, Castro c/ SCI Des Fermettes :  Juris-Data n° 1996-044615).

En pratique, la nullité des actes de procédure est l'une des causes principales de l'engagement de la responsabilité des huissiers de justice (G. Dahan, La nullité des actes de procédure : Rev. huissiers 1998, p. 321). Mais cette dernière peut aussi être engagée en raison de l'inutilité d'un acte ou d'une procédure.

21. – Actes et procédures inutiles ou injustifiés - Il résulte également des articles 650 et 698 du Nouveau Code de procédure civile que l'huissier de justice, sous peine d'engager sa responsabilité, est tenu d'accomplir les diligences seulement nécessaires de son ministère. Il doit donc s'abstenir de tout acte ou procédure d'exécution qui se révéleraient sans utilité ou injustifiés et dont l'accomplissement supposerait alors un manque de compétence ou une erreur d'appréciation.

Est ainsi jugé en faute l'huissier qui poursuit l'exécution d'une décision de justice alors que la personne poursuivie s'était acquittée du paiement de son obligation  (TGI Paris, 24 mai 1989 : Juris-Data n° 1989-048777). Par ailleurs, il a été décidé que, dans la mesure où l'article 3 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 prévoit que l'huissier de justice avise les parties par lettre recommandée avec demande d'avis de réception de l'état des lieux auquel il va procéder, le recours direct à une sommation par huissier d'assister à un constat des lieux est un acte inutile dont l'intéressé doit supporter la charge en application de l'article 650 du Nouveau Code de procédure civile ( Cass. 1re civ., 17 nov. 1993, Wagner c/ de Brousse de Montpeyroux et a., cité  infra n° 24).

22. – Dépassement de mandat - Pour l'exercice des fonctions qui lui sont dévolues par la loi, l'huissier doit accomplir ses diligences dans la seule limite du mandat conféré. À défaut, il agit sans pouvoirs.

Parce que le dépassement de mandat constitue un vice de fond qui affecte la validité de l'acte accompli par l'huissier, l'ancien Code de procédure civile avait organisé une procédure spéciale, le désaveu, qui consistait pour une partie à faire une déclaration selon laquelle l'officier ministériel, son mandataire, avait dépassé les limites de son mandat. Si le désaveu était admis, l'acte désavoué tombait et, avec lui, toute la procédure qui avait été échafaudée sur cet acte nul.

Le Nouveau Code de procédure civile a abandonné la procédure du désaveu et l'a remplacée par une action en dommages-intérêts : l'acte est maintenu, mais la responsabilité de l'huissier est engagée (J. Vincent et S. Guinchard, Procédure civile : 22e éd., 1991, n° 1265 s.). Aux termes de l'article 697 du Nouveau Code de procédure civile, l'huissier qui agit en dehors des limites de son mandat commet une faute génératrice de responsabilité.

Engage donc sa responsabilité l'huissier qui commet la faute de poursuivre l'exécution d'une décision de justice à des fins personnelles alors qu'il n'a plus de mandat de son client ( TGI Paris, 24 mai 1989, préc.) ou celui qui décide de continuer les poursuites malgré les instructions du créancier tendant à leur arrêt immédiat ( TGI Paris, 1re ch., 1re sect., 25 janv. 1996, Sokolsky c/ SCP Hangel et Louail :  Juris-Data n° 1996-040297). Outrepasse également sa mission l'huissier qui, chargé de procéder à un constat, se livre à une véritable enquête ( Cass. 2e civ., 6 févr. 1980 : Bull. civ. II, n° 24. –  Cass. 2e civ., 15 févr. 1981 : Gaz. Pal. 1981, 2, p. 465, note J. Viatte). Toutefois, dans ces deux affaires, la Cour de cassation n'était pas saisie d'une action en responsabilité, mais de la question de la validité des actes d'huissier versés aux débats.

2) Responsabilité de l'huissier à l'égard du débiteur et des tiers

23. – À l'égard des tiers, l'huissier de justice engage une responsabilité délictuelle ou quasi-délictuelle, sur le fondement des articles 1382 et 1383 du Code civil. Il est responsable dans les conditions du droit commun, et comme tout mandataire, des dommages qu'il cause aux tiers par ses délits et quasi-délits ( CA Paris, 5 juin 1928 : DH 1928, 437).

24. – Recouvrements - Notamment, l'huissier engage sa responsabilité lorsqu'il procède à des recouvrements irréguliers auprès d'un tiers (Cass. 1re civ., 17 nov. 1993, Wagner c/ de Brousse de Montpeyroux et a. : Juris-Data n° 1993-002722 ; Bull. civ. I, n° 330; JCP G 1994, IV, 156 ; D. 1993, inf. rap. p. 261. – TGI Lyon, JEX, 9 janv. et 4 mars 1997, Colletta c/ SCP X : Gaz. Pal. 1998, 1, 136, note T. Moussa. – TGI Lyon, JEX, 1er avr. 1997, Meyerie c/ SCP X : Gaz. Pal. 1998, 1, 137, note T. Moussa. – CA Caen, 1re ch. sect. civile, 12 déc. 1999, Pasquier-Brasseur c/ SCP Pichon Jouet : Juris-Data n° 1999-112029. – CA Paris, 1re ch., A, 15 mars 2000, SCP André Meyer et Isabelle Meyer c/ Lemaire : Juris-Data n° 2000-109271. – Cass. 1re civ., 20 juin 2000, Grattirola c/ Cie Allianz Via Assurances : Juris-Data n° 2000-002485; JCP G 2000, IV, 2382; Resp. civ. et assur. 2000, comm. 299 et 300) ou que, suite à une erreur de localisation, il s'introduit dans l'appartement d'une personne étrangère à la procédure, procède à une fouille des lieux, allant jusqu'à faire état dans son procès-verbal de renseignements ayant trait à la vie privée de la victime ( TGI Paris, 1re ch., 19 mars 1992, Nadine Beauge c/ Me X : Gaz. Pal. 1994, 1, somm. p. 346).

25. – Expulsions - Il existe, enfin, un contentieux important en matière d'expulsion : commet ainsi une faute l'huissier qui procède à une expulsion trop hâtive, sans respecter un délai minimum, et empêche le locataire de reprendre possession de ses papiers et effets personnels, le lieu de l'entreposage de son mobilier lui ayant été dissimulé, puis des livraisons successives ayant enfin été effectuées ( CA Versailles, 14e ch. civ., 20 mai 1994, Radulovitch c/ SCP D. et M. : Rev. huissiers 1995, p. 1138 ; Rev. huissiers 1996, p. 238) ; il a également été jugé que l'huissier engage sa responsabilité professionnelle lorsque, chargé de procéder à l'expulsion d'un locataire défaillant, il décide du transport immédiat des meubles se trouvant sur les lieux à la décharge publique, le juge de l'exécution étant seul habilité à déclarer les biens abandonnés ( CA Bordeaux, 5e ch., 8 févr. 2000, Abbassi c/ Rey :  Juris-Data n° 2000-125827;  JCP G 2001, IV, 1237. – comp.  CA Paris, 1re ch. B, 22 mars 1996, SARL Omnium coopératif entreprises et de pré entreprises c/ SCI Molière Croix de Chavaux :  Juris-Data n° 1996-021521, estimant que ne commet pas de faute l'huissier qui, lors de l'expulsion d'une entreprise avec séquestration de ses meubles, a établi un inventaire précis de ceux qui furent entreposés dans un garde-meubles et mentionné que le reste était sans valeur ; plus précisément, il ne peut lui être reproché de n'avoir pas fait de description détaillée de ces objets, revues et document empilés au sol, non rangés et infestés d'insectes, qui furent ensuite envoyés à la décharge, la destruction de ces documents étant due à la carence et l'inertie du locataire, maintenu dans les lieux sans titre, qui n'a pris aucune disposition pour faire transporter ces objets en un autre lieu).

26. – Loteries - Le cas échéant, l'huissier engage aussi sa responsabilité aux côtés des sociétés organisatrices de jeux publicitaires, dès lors qu'il consent à l'utilisation de sa qualité pour donner crédit à des documents équivoques faisant naître auprès du consommateur une fausse espérance de gains ( CA Nancy, 1re ch. civ., 2 oct. 2000, SA Maison française de distribution c/ Claude :  Juris-Data n° 2000-135208. –  CA Bordeaux, 5e ch., 6 mars 2001, SA Maison française de distribution c/ Guillemer :  Juris-Data n° 2001-140804. –  CA Bordeaux, 1re ch. A, 31 mai 2001, SA Maison française de distribution c/ Guérin :  Juris-Data n° 2001-150072. – V. sur ce point, E. Bazin, L'huissier de justice, la loterie commerciale et la protection des consommateurs : Rev. huissiers 1998, p. 524 ; L'huissier de justice et les loteries : Rev. huissiers 2000, p. 199).

27. – Accident - Il a, par ailleurs, été jugé que l'huissier devait répondre du dommage consécutif à un accident survenu lors d'une vente publique effectuée dans les locaux d'une société en redressement judiciaire ( Cass. 2e civ., 16 oct. 1991, SCP X c/ Mme Pequignot et autre : Bull. civ. II, n° 260;  JCP G 1991, IV, 440 ; Resp. civ. et assur. 1991, comm. 427 ; Gaz. Pal. 1992, 1, pan. jurispr. p. 28).

28. – Secret professionnel - L'huissier est aussi tenu au secret professionnel. Cette obligation se rapporte aux informations délivrées par le Ministère public au titre des articles 39 et 40 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991. Or, la violation de ce devoir est constitutive de l'infraction prévue par l'article 226-21 du Code pénal, étant précisé que les poursuites pénales ne sont pas exclusives ni de sanctions disciplinaires ni de la condamnation à des dommages-intérêts  (L. 9 juill. 1991, art. 41, al. 2).

c) Faute professionnelle

29. – Plus largement, que l'huissier engage sa responsabilité contractuelle ou délictuelle, il commet dans tous les cas une faute professionnelle. L'huissier est, en effet, tenu à la fois d'une obligation de diligence (1) et d'une obligation d'information et de conseil (2) qui recouvrent la plupart des hypothèses envisagées précédemment. À cet égard, il faut d'ailleurs souligner que le terme mandat est souvent employé au sens large, sans pour autant impliquer l'engagement de la responsabilité contractuelle de l'intéressé.

1) Manquement à l'obligation de diligence

30. – Le plus souvent, c'est une mauvaise exécution du mandat qui fondera la responsabilité de l'huissier, à raison d'un manquement à son obligation de diligence. Selon la jurisprudence, les huissiers de justice sont tenus par les devoirs de leur charge à mettre en oeuvre tous les soins et diligences pour assurer, dans les conditions prescrites par la loi, l'exercice de leur mandat ( CA Paris, 30 oct. 1956 : D. 1956, jurispr. p. 782;  JCP G 1957, II, 9775, note GM ; S. 1957, 59).

31. – Exécution tardive - La faute peut résulter du non-respect des délais, que ceux-ci soient impartis par la loi ou par une décision de justice. Ainsi, l'huissier commet une faute, lorsque, chargé de signifier à l'administration fiscale un acte d'opposition à une contrainte, il donne assignation pour une date dépassant le délai légal ( CA Paris, 30 oct. 1956, préc.), quand il ne signifie pas un acte d'appel à temps ( Cass. 1re civ., 2 juin 1969 : Bull. civ. I, n° 206), n'introduit pas une assignation en annulation d'une décision d'assemblée générale de copropriété dans les délais ( CA Paris, 1re ch. A, 17 mars 1992, SCI La Ferronnière c/ B. :  Juris-Data n° 1992-020511;  JCP G 1992, IV, 2174), ne veille pas au renouvellement en temps utile de l'inscription de premier rang de l'hypothèque dont bénéficiait son client, malgré la portée de son mandat ( CA Nîmes, 1re ch., 16 févr. 1998, De Jurquet c/ Estevenou :  Juris-Data n° 1998-030547), ou délivre avec retard une assignation en séparation de corps, ce qui a pour conséquence non seulement de rendre caduque l'ordonnance de non-conciliation et les mesures provisoires et d'obliger la cliente à en remettre le montant, mais encore la perte du droit à pension jusqu'à nouvelle fixation ainsi qu'un retard dans la procédure de séparation de corps ( CA Douai, 3e ch., 2 sept. 1999, Waeles c/ Delvaux :  Juris-Data n° 1999-044634). Au demeurant, l'huissier engage aussi sa responsabilité lorsque dans le cas inverse, il agit trop tôt : ainsi lorsqu'il diligente l'expulsion d'un locataire avant l'expiration du délai octroyé judiciairement  (CA Paris, 6e ch. A, 26 mai 1987 : Juris-Data n° 1987-022985).

Très souvent, la faute retenue à la charge de l'huissier prendra la forme d'une négligence professionnelle. Tel est le cas lorsque l'huissier exécute avec retard le mandat dont il a été chargé, par exemple en attendant quatre mois avant d'effectuer une signification ( TGI Seine, 19 déc. 1963 :  JCP G 1964, II, 13634. – CA Paris, 1re ch. B, 8 déc. 1995, Patrice Vivien c/ SARL Parly Distribution :  Juris-Data n° 1995-600080 ; Gaz. Pal. 3 mars 1996, somm. p. 38) ou deux ans avant de procéder à une expulsion ( CA Paris, 1re ch. A, 5 mai 1998, Crangerat c/ Sté Construction immobilière de l'Île-de-France :  Juris-Data n° 1998-022055). S'est vu également reprocher une faute de négligence l'huissier qui, ayant reçu à la suite d'une erreur du greffe, l'exécutoire d'une ordonnance d'injonction de payer après avoir été déchargé de sa mission, laisse s'écouler plusieurs mois avant de questionner le greffe sur la destination du document  (CA Aix-en-Provence, 10e ch. A, 6 mai 1987 : Juris-Data n° 1987-046419) ou qui, pour empêcher une vente imminente d'objets saisis, se contente d'informer le commissaire-priseur par une simple lettre de la procédure à gardien et de référé, au lieu de faire usage d'un moyen de communication rapide  (CA Paris, 1re ch. B, 6 févr. 1992 : Juris-Data n° 1992-020667).

32. – Absence de vérification - L'obligation de diligence impose également à l'huissier de rechercher tous les renseignements et de procéder à toutes les vérifications nécessaires à la bonne exécution de son mandat. Engage donc sa responsabilité pour avoir manqué à cette obligation l'huissier qui, lors du récolement, ne vérifie pas que l'objet qui va être mis en vente est ou non le même que celui qui a été saisi ( TGI Seine 17 juin 1965 : Gaz. Pal. 1965, 2, p. 410), qui ne procède pas aux vérifications nécessaires à l'identification de la personne contre laquelle l'exécution d'une décision de justice est dirigée ( Cass. 1re civ., 20 juin 2000, Grattirola c/ Cie Allianz Via Assurances :  Juris-Data n° 2000-002485 ; Bull. civ. I, n° 188;  JCP G 2000, IV, 2382 ; Resp. civ. et assur. 2000, comm. 299 et 300), qui, ayant appris l'incarcération du débiteur, ne fait aucune démarche pour tenter d'assurer l'efficacité de la procédure dont il était chargé et pour essayer de trouver le lieu d'incarcération ( TGI Paris, 1re ch. 1re sect., 14 mai 1997, Sté Demsec c/ Mocci :  Juris-Data n° 1997-041474), qui, lors de la signification à la partie saisie de la sommation de prendre connaissance du cahier des charges, ne s'assure pas que le destinataire demeure bien à l'adresse indiquée ( Cass. 3e civ., 31 mai 1985 : Gaz. Pal. 1985, 2, pan. jur. p. 359, note S. Guinchard et T. Moussa) ou qui, chargé d'enrôler une affaire, ne vérifie pas, dans la mesure où il ne dépose pas lui-même le second original, que cet acte envoyé par la poste est bien parvenu au greffe ( Cass. 1re civ., 3 déc. 1996, Zarai c/ Grisillon :  Juris-Data n° 1996-004671 ; Bull. civ., I, n° 435;  Resp. civ. et assur. 1997, comm. 102 ; JCP G 1997, IV, 208 ; D. 1997, inf. rap. p. 12 ; Rev. huissiers 1998, p. 612, note R. Martin ; Gaz. Pal. 19-20 févr. 1997, pan. p. 39) ; se rend également responsable l'huissier qui, pour établir un commandement de saisie (lequel doit comprendre outre diverses précisions, l'indication, pour chacun des immeubles sur lequel portera la saisie, de la nature de ce bien), s'en tient aux seules indications portées dans le titre exécutoire, en s'abstenant de vérifier si le caractère constructible du terrain, élément essentiel de la nature du bien saisi, n'avait pas été ultérieurement modifié par suite, notamment, d'un changement des règles d'urbanisme au moment de la rédaction du procès-verbal de description et du commandement ( Cass. 1re civ., 11 oct. 1994, Bousquet c/ Fuster et a. :  Juris-Data n° 1994-002042 ; Bull. civ. I, n° 284;  Resp. civ. et assur. 1994, comm. 412 ; JCP G 1994, IV, 2482 ; D. 1994, inf. rap. p. 243) ; enfin, commet une faute l'huissier qui procède à une saisie-exécution au domicile d'un couple pour avoir le paiement d'amendes dues par leur fils, alors que les parents avaient protesté en indiquant que ce dernier n'habitait plus, depuis plus de vingt ans, à cette adresse, ce qui paraissait plausible compte tenu de la date de naissance de l'intéressé portée sur le procès-verbal même de la saisie, en sorte que l'officier ministériel aurait dû saisir le juge des référés ou, à tout le moins, procéder à des investigations complémentaires ( Cass. com., 1er févr. 1994, SCP X c/ Époux Chemama et autre : D. 1994, inf. rap. p. 78). En revanche, l'huissier, chargé d'effectuer une signification, n'est pas tenu de vérifier l'exactitude des déclarations de la personne qui accepte de recevoir l'acte (par ex.,  Cass. 2e civ., 26 nov. 1998, Sté de Dressais c/ M. Guillou ès-qualités d'administrateur judiciaire de la SARL Bois et Scierie de l'Indre et de la SCI de Dressais et a. : Rev. huissiers 2000, p. 25, note G. Dahan).

33. – Diversité des formes de négligence - En réalité, loin de se résumer aux cas précédents, les fautes imputables à l'huissier revêtent des formes infiniment variées. Autrement dit, elles ne peuvent faire l'objet d'une liste limitative. Par exemple, l'huissier fait preuve de négligence lorsqu'il procède à la vente aux enchères publiques d'un véhicule dépourvu de numéro d'identification qui, de ce fait, ne pourra être mis en circulation par l'adjudicataire ( Cass. 1re civ., 4 juin 1991, Jean-Pierre Verly c/ Edeline et a. :  Resp. civ. et assur. 1991, comm. 343 ; JCP G 1991, IV, p. 307). De même, lorsque l'huissier reçoit un courrier d'un avocat en vue de la signification de deux assignations, il lui appartient de signaler à son correspondant que ce dernier a omis de lui transmettre l'une d'entre elles et de lui réclamer l'acte manquant : en se bornant à délivrer une seule desdites assignations, il engage sa responsabilité ( TGI Paris, 1re ch. 1re sect., 19 mars 1997, Suleiman c/ Lotte :  Juris-Data n° 1997-041143). Manque à ses obligations l'huissier qui, après avoir accompli toutes les diligences préalables indispensables à la vente des objets saisis, n'a jamais procédé à celle-ci, laissant lesdits objets se détériorer ( CA Paris, 1re ch., 4 juill. 1997, Grangerat c/ SA Clark Material Handling France :  Juris-Data n° 1997-022386 ; Gaz. Pal. 1998, 1, somm. p. 192). L'huissier est également responsable d'une mauvaise exécution de son mandat lorsqu'il dresse un procès-verbal de constat contenant des énonciations insuffisantes (en l'espèce, il aurait fallu que celles-ci soient détaillées point par point pour permettre de préciser si l'immeuble visité contenait les normes de confort exigées par le décret du 22 août 1978 pour sortir de l'emprise de la loi du 1er septembre 1948 ; or, le procès-verbal ne permettait pas d'en juger,  TGI Paris, 16 janv. 1992, Heurtebise c/ Jaunatre et autres : Rev. huissiers 1994, p. 567, note J.-J. Bourdillat). Enfin, l'huissier encourt une condamnation lorsque, suite à une erreur de localisation de l'appartement où il devait effectuer une saisie, il pénètre dans l'appartement d'une personne étrangère, dont il fait changer la serrure, après avoir constaté qu'il était vide de tout occupant ( TGI Paris, 1re ch., 27 mai 1992, Colette Attia c/ Me J.-J. Delubac : Gaz. Pal. 1994, 1, somm. p. 345).

34. – Obligations de résultat et obligations de moyens - Selon les cas, l'huissier est tenu d'une obligation de moyen ou de résultat. Tout dépend, à cet égard, de la nature de la mission qui lui est confiée, selon que celle-ci paraît délicate ou, au contraire, aisée. Ainsi, en matière d'expulsion, l'huissier n'est tenu que d'une obligation de moyens ( TGI Valence, 1re ch., 4 janv. 1995, Alain Rambaud c/ X :  Juris-Data n° 1995-600059 ; Gaz. Pal. 4 févr. 1996, somm. p. 13) ; il en va de même en ce qui concerne le mandat de recouvrir une créance ( Cass. 1re civ., 7 févr. 1995, Époux Quilton c/ M. Jean-Pierre C. :  Juris-Data n° 1995-001051;  Resp. civ. et assur. 1995, comm. 132 ; Rev. huissiers 1995, p. 487, posant le principe à propos du recouvrement d'une créance). En revanche, pour ce qui a trait à la délivrance d'un acte de signification de jugement, l'huissier est tenu d'une obligation de résultat ( TGI Paris, 1re ch., 1re sect., 14 mai 1997, Le Fur c/ SCA Avalle :  Juris-Data n° 1997-041475).

35. – Rédaction ou négociation d'actes sous seing privé - Lorsqu'il est chargé de la rédaction ou de la négociation d'actes sous seing privé, c'est-à-dire lorsqu'il est requis en dehors du cadre des fonctions qui lui sont dévolues par l'ordonnance du 2 novembre 1945, l'huissier de justice n'en reste pas moins tenu à une obligation de diligence en raison non seulement du contrat de mandat le liant à son client, mais aussi de la confiance que ce dernier lui prodigue du fait de ses connaissances juridiques et de son expérience professionnelle. Ainsi, commet une faute de nature à engager sa responsabilité l'huissier qui, après avoir été requis comme intermédiaire pour l'acquisition d'un fonds de commerce, omet de signifier cette acquisition au bailleur et fait ainsi perdre à sa cliente le droit au renouvellement du bail ( Cass. 1re civ., 2 déc. 1963 : Bull. civ. I, n° 524). De même, il y a faute pour l'huissier rédacteur d'une cession de fonds de commerce à établir un acte sous seing privé alors qu'une clause du bail imposait une cession devant notaire ( Cass. 1re civ., 22 juill. 1968 : Bull. civ. I, n° 219;  JCP G 1968, IV, 163) ou pour l'huissier qui a été chargé de la négociation de la vente à crédit d'un bateau à s'abstenir de toute vérification quant à l'identité et à la solvabilité de l'acquéreur ( Cass. 1re civ., 12 nov. 1975 :  JCP G 1976, IV, 9).

2) Manquement à l'obligation de renseignement et de conseil

36. – Quel que soit le mandat qui leur est confié, les huissiers de justice n'échappent pas à l'obligation de renseignement et de conseil mise à la charge des professionnels (V. G. Viney et P. Jourdain, Traité de droit civil, sous la direction de J. Ghestin, Les conditions de la responsabilité : 2e éd., LGDJ, 1998, n° 508). Celle-ci sera même l'obligation principale de l'huissier lorsque, requis en dehors des fonctions qui lui sont dévolues par la loi, il sera sollicité pour donner des renseignements et des conseils, en raison de ses compétences professionnelles (V. R. Savatier, Les contrats de conseil professionnel en droit privé : D. 1972, chron. p. 137).

37. – Qu'il agisse ou non dans le cadre de sa mission légale, l'huissier est tenu de renseigner ses clients sur la nature et les conséquences des actes qu'il leur suggère ou qu'il accomplit sur leurs instructions ou encore sur les raisons de son inaction (P. le Tourneau : op. cit., n° 1649 et 1650. – P. le Tourneau et L. Cadiet, Droit de la responsabilité et des contrats : éd. 2002/2003, Dalloz Action, n° 4928. –  CA Paris, 1re ch. A, 28 févr. 2000, Catry c/ Pinot :  Juris-Data n° 2000-119600). On peut noter que, de longue date, l'huissier est autorisé à décliner un mandat mais à la condition de le faire en temps exprès : la simple inaction consistant, par exemple, à retenir les pièces et à garder le silence, ne vaut pas refus du mandat ( Cass. civ., 15 nov. 1904 : Gaz. Pal. 1904, 2, p. 538).

38. – Défaut d'information - Un défaut d'information est donc constitutif d'une faute génératrice de responsabilité. Tel est le cas lorsque l'huissier a été chargé de pratiquer une saisie-brandon et ne donne pas suite à cette réquisition sans avertir son client ( Cass. 1re civ., 4 janv. 1961 : Bull. civ. I, n° 5) ou encore lorsqu'il ne signifie pas un acte d'appel dans les délais en gardant le silence sur les raisons qui, selon lui, l'empêchaient d'agir ( Cass. 1re civ., 2 juin 1969 : Bull. civ. I, n° 206). L'omission d'informer un tiers peut également être fautive, par exemple lorsque l'huissier, qui a accepté de participer aux opérations de partage d'une succession, n'avertit pas le créancier de l'un des copartageants de ces opérations ( Cass. 1re civ., 30 avr. 1969, Sounac c/ Caisse rurale Saint-Jacques  Nantes : Juris-Data n° 1969-000157) ou que, ayant pour mandat d'assigner un débiteur en redressement judiciaire, il n'informe pas le créancier de l'existence de la décision d'ouverture de la procédure ( CA Paris, 1re ch. A, 2 juill. 1997, SCP Bonhomme et Devaud c/ Mutualité sociale agricole de l'Île-de-France :  Juris-Data n° 1997-022385).

39. – Conseil ou renseignement erroné - Un conseil ou un renseignement erroné sera aussi de nature à engager la responsabilité de l'huissier. Ainsi, a été jugé en faute l'huissier qui a conseillé à des époux de consentir un prêt à un commerçant qui, peu après la conclusion du prêt, a fait faillite ( Cass. 1re civ., 8 oct. 1968 : Bull. civ. I, n° 225;  JCP G 1968, IV, 176). L'huissier manque aussi à son devoir de conseil lorsque, dans une consultation écrite, il conclut qu'une mise en location-gérance d'un fonds de commerce délie le loueur de ses obligations d'employeur, en omettant de mentionner les incertitudes jurisprudentielles existant sur ce point ; en conséquence, il est tenu de supporter le coût des indemnités de rupture des contrats de travail ( CA Paris, 1re ch. A, 27 mars 1995, Gallais c/ AGF :  Juris-Data n° 1995-021155). Au besoin, l'huissier doit aussi déconseiller d'agir à ses clients ( CA Versailles, 20 nov. 1987 : D. 1988, inf. rap. p. 2 ; Gaz. Pal. 1988, 1, p. 101).

40. – Charge de la preuve - C'est à l'huissier qu'il appartient de rapporter la preuve de l'exécution de cette obligation ( Cass. 1re civ., 15 déc. 1998, Époux Jerez c/ Hardy ès qual. et autre :  Juris-Data n° 1998-004819 ; Bull. civ. I, n° 364 ; Gaz. Pal. 1999, 1, jurispr. p. 208, note P. Loyer ; D. 1999, inf. rap. p. 27 ; Rev. huissiers 1999, p. 564 ; Rev. huissiers 1999, p. 733, obs. D. Lochouarn. –  CA Paris, 1re ch. A, 2 mai 2001, SA Benoît Aine c/ SCP Fredy et Patrick Safar :  Juris-Data n° 2001-147333. – Rappr.,  Cass. 1re civ., avis, 10 juill. 2000 : Rev. huissiers 2001, p. 107, obs. J.-J. Bourdillat, il incombe à l'huissier d'apporter la preuve de ce qu'il a informé son mandant du caractère onéreux de sa prestation de service et du montant estimé ou du mode de calcul de sa rémunération à prévoir lorsque l'acte accompli n'est pas tarifé). Cette jurisprudence a pu être jugée trop sévère par certains professionnels (P. Safar, L'huissier de justice face à ses nouvelles responsabilités : Dr. et patrimoine mars 1999, p. 14). Cependant, afin de parer aux litiges, les huissiers pourront avoir recours à des preuves écrites pré-constituées tendant à justifier de l'exécution de leur obligation : parfois qualifiées inexactement "décharges de responsabilité", ces documents sont, en effet, parfaitement licites (F. Kamara, Agents de l'exécution :  J.-Cl. Procédure civile  Fasc. 2180, 108. – P. Loyer : note  Cass. 1re civ., 15 déc. 1998, Époux Jerez c/ Hardy ès qual. et autre ; Gaz. Pal. 1999, 1, jurispr. p. 208. – D. Lochouarn : obs.  Cass. 1re civ., 15 déc. 1998, Époux Jerez c/ Hardy ès qual. et autre : Rev. huissiers 1999, p. 733).

d) Faute inexistante

41. – Il arrive que les faits reprochés à l'huissier par son client ou par un tiers ne soient pas constitutifs d'une faute et ne permettent donc pas d'engager sa responsabilité.

42. – Inaction justifiée de l'huissier - D'une part, l'inaction de l'huissier ne peut lui être imputé à faute lorsqu'il n'a pas reçu mandat d'accomplir l'acte dont l'inexécution lui est reprochée ou encore lorsqu'il s'est abstenu en raison de l'inutilité de l'acte auquel il devait procéder.

Ainsi, un huissier ne commet pas de faute lorsque, chargé de délivrer une assignation, il remplit le mandat ainsi limité qui lui a été donné et ne procède pas à la réassignation rendue nécessaire par la déchéance de la première assignation : à défaut d'avoir reçu un mandat spécial, il n'est pas obligé de suivre la procédure ou de se substituer au demandeur, seul qualifié pour décider des suites à donner à celle-ci ( CA Paris, 1er févr. 1957 :  JCP G 1957, II, 9994, note G. Madray). La responsabilité de l'huissier n'est pas non plus engagée lorsque, chargé de faire exécuter une décision de justice rendue par la juridiction prud'homale condamnant une société au paiement d'une indemnité de licenciement au profit d'un salarié, il n'a pu obtenir ce qui lui était demandé, dès lors qu'il a avisé son client de cette impossibilité en raison de la dissolution de la société débitrice de la dette de salaire, et dès lors qu'il ne rentrait pas dans le cadre de sa mission limitée d'exécution d'une décision de justice, de conseiller à son client d'entreprendre telle ou telle procédure plus appropriée eu égard à la situation de la société ( CA Lyon, 1re ch., 9 mars 2000, Bozon c/ Poncet :  Juris-Data n° 2000-127561).

Doit également être écartée la responsabilité de l'huissier qui ne procède pas à la vente aux enchères des biens saisis dès lors que celle-ci aurait été vaine compte tenu de l'absorption du produit de ladite vente par les créanciers privilégiés du débiteur saisi qui, entre-temps, avait fait l'objet d'un règlement judiciaire  (CA Paris, 1re ch., 18 déc. 1989 : Juris-Data n° 1989-027485). On ne saurait davantage reprocher à l'huissier son manque de diligence pour avoir différé l'exercice d'une saisie, à une époque où celle-ci serait demeurée de faible utilité ( TGI Valence, 1re ch., 4 janv. 1995, Alain Rambaud c/ X :  Juris-Data n° 1996-600059 ; Gaz. Pal. 4 févr. 1996, somm. p. 13).

43. – Accomplissement du mandat - D'autre part, on ne saurait engager la responsabilité de l'huissier qui a correctement accompli son mandat. Il n'y a donc pas de faute lorsque l'huissier n'a fait que remplir sa mission (CA Paris, 1re ch., 12 janv. 1984 : Juris-Data n° 1984-027485, qui a jugé non fautif le fait pour un huissier d'avoir remis au créancier saisissant la somme à lui transmise par le tiers saisi, dès lors que cette provision avait été allouée par une ordonnance de référé, exécutoire de droit à titre provisoire. – CA Paris, 6e ch. B, 15 mai 1997, Frouge c/ SCI du Dôme : Juris-Data n° 1997-023336, estimant qu'on ne peut reprocher à un huissier, chargé de l'expulsion d'un locataire, d'avoir établi un inventaire incomplet des meubles, alors que le procès-verbal d'expulsion contient un inventaire détaillé des meubles et objets, ainsi qu'un inventaire complémentaire des menus objets et bijoux. – Cass. 2e civ., 24 juin 1998, Tremelot c/ Sté Comareg et autre : Juris-Data n° 1998-002995 ; Bull. civ. II, n° 222 ; D. 1999, jurispr. p. 148, note P. Hoonakker ; D. 1999, somm. p. 221, obs. P. Julien; Procédures 1998, comm. 191, obs. R. Perrot ; RTD civ. 1998, p. 753, obs. R. Perrot, validité d'une saisie-attribution opérée sur le fondement d'une ordonnance de référé frappée d'appel condamnant le débiteur au versement d'une somme au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile, au motif que l'ordonnance de référé bénéficie de plein droit de l'exécution provisoire dans toutes ses dispositions), en agissant de manière prudente et avisée ( Cass. 1re civ., 12 janv. 1960 : Bull. civ. I, n° 24, à propos d'un huissier qui, lors d'une expulsion avec assistance du commissaire de police, décide de faire transporter le mobilier du locataire expulsé chez un garde-meubles plutôt que de le déposer dans la rue sous peine de perturber la circulation et l'ordre public. – Comp.  CA Paris, 8e ch. sect. B, 30 avr. 1998, SCP Papillon c/ SARL Déménagements Torrens et cie :  Juris-Data n° 1998-021717, faisant référence aux dispositions nouvelles de la  L. du 9 juill. 1991 et du  D. du 31 juill. 1992) et sans enfreindre la loi ( T. civ. Seine, 21 avr. 1956 : Gaz. Pal. 1956, 2, p. 36, concernant un huissier qui, comme l'y autorise la loi, a fait appel à la force publique pour l'expulsion de locataires, même si ces derniers invoquent les dommages causés à leurs meubles en raison du caractère précipité de l'expulsion. –  CA Colmar, 24 mars 1961 : Gaz. Pal. 1961, 2, p. 56, qui a jugé non fautive la communication d'un protêt au greffier d'une juridiction commerciale dès lors qu'en vertu de la loi, le greffier du tribunal est chargé de tenir un registre des protêts transmis par les officiers ministériels). On ne peut davantage reprocher à un huissier de s'être livré, pour les besoins de son mandat, à une interprétation d'un texte controversé qui, par la suite, ne sera pas consacré par la Cour de cassation ( CA Paris, 14 mars 1957 : Gaz. Pal. 1957, 2, p. 80).

44. – Inexécution ou exécution défectueuse du mandat non imputable à l'huissier - Enfin, la responsabilité de l'huissier doit être écartée lorsque l'inexécution ou la mauvaise exécution du mandat ne lui est pas imputable, mais résulte du fait de son client ou du fait d'un tiers.

Ainsi, n'a pas été jugé en faute l'huissier dont le client demandeur en responsabilité lui a communiqué des renseignements erronés ( CA Paris, 23 oct. 1924 : Gaz. Trib. 1924, 2, 258). Ne commet pas non plus de faute l'huissier qui procède à la saisie vente du mobilier garnissant le local commercial dont le locataire vient d'être expulsé, dès lors qu'il ignorait que le créancier avait antérieurement fait pratiquer, par un autre huissier, une saisie conservatoire ayant permis d'éteindre la créance ( CA Paris, 1re ch. A, 3 avr. 2001, Farruch c/ EURL Equilibre :  Juris-Data n° 2001-151860).

De même, il ne peut pas être fait grief à l'huissier de ne pas avoir exécuté son mandat en raison du refus du concours du Ministère public ( CA Colmar, 2 mars 1938 : D. 1940, 2, 14, note Appleton. –  TGI Valence, 1re ch., 4 janv. 1995, Alain Rambaud c/ X :  Juris-Data n° 1995-600059 ; Gaz. Pal. 4 févr. 1996, somm. p. 13. – Mais, dans ce cas, il reste possible d'engager la responsabilité de l'État sur le fondement de l'article 16 de la loi du 9 juillet 1991) ou de ne pas avoir signifié une ordonnance d'injonction de payer si ce défaut de signification résulte de la non-transmission de l'ordonnance par les services du greffe ( CA Aix-en-Provence, 10e ch. A, 6 mai 1987, préc.) ; l'huissier ne saurait non plus légitimement porter la responsabilité de dégradations imputables à des tiers ( CA Paris, 6e ch. B, 15 mai 1997, Frouge c/ SCI du Dôme :  Juris-Data n° 1997-023336. –  CA Rouen, 1re ch. civ., 11 oct. 2000, Guise c/ Dallennes :  Juris-Data n° 2000-127948).

Au demeurant, à supposer que l'huissier ait commis une faute, encore faut-il, pour que sa responsabilité soit engagée, que la victime ait subi un préjudice, ce qui n'a rien de systématique.

2° Préjudice

45. – La Cour de cassation n'hésite pas à censurer les juges du fond qui ont négligé de rechercher si la faute de l'huissier n'avait pas eu de conséquences dommageables pour le demandeur ( Cass. 1re civ., 26 nov. 1985 : Bull. civ. I, n° 320. –  Cass. 1re civ., 11 juill. 1988 : Bull. civ. I, n° 237). Cela étant précisé, les juges du fond apprécient souverainement la réalité du préjudice allégué ( Cass. 1re civ., 2 juin 1969, préc.).

46. – Nature du préjudice - Peu importe la nature du préjudice causé. Le plus souvent, le demandeur invoque un préjudice matériel, ce qui recouvre le cas où il a exposé des frais résultant de la faute commise par l'huissier et, de manière générale, toutes les hypothèses nombreuses où il a subi une atteinte à ses intérêts patrimoniaux. Tel est le cas, entre autres exemples, pour le client d'un huissier qui, par la faute de ce dernier, n'a pu recouvrer sa créance ( Cass. 1re civ., 9 juill. 1985 : Gaz. Pal. 1986, 1, somm. p. 86, note S. Guinchard et T. Moussa) ni obtenir la restitution de marchandises vendues avec clause de réserve de propriété ( CA Angers, 1re ch. A, 12 déc. 1990, préc.) ; pareillement, l'huissier peut être condamné à indemniser l'adjudicataire des parcelles saisies présentées dans le procès-verbal de description comme des terrains à bâtir et qui se sont révélées inconstructibles ( Cass. 1re civ., 11 oct. 1994, Bousquet c/ Fuster et a. :  Juris-Data n° 1994-002042 ; Bull. civ. I, n° 284;  Resp. civ. et assur. 1994, comm. 412 ; JCP G 1994, IV, 2482 ; D. 1994, inf. rap. p. 243). Le paiement des frais et des émoluments relatifs à l'intervention du commissaire de police et du serrurier constitue également un préjudice que l'huissier est tenu de réparer lorsque, chargé de pratiquer une saisie, il a pénétré par négligence dans l'appartement d'une personne étrangère à la procédure ( TGI Paris, 1re ch., 27 mai 1992, Colette Attia c/ Me J.-J. Delubac : Gaz. Pal. 1994, 1, somm. p. 345).

Néanmoins, le préjudice peut également être moral : le plus souvent, un tel préjudice sera alors allégué par le débiteur ou un tiers ( Cass. 1re civ., 11 juill. 1988, préc., qui reproche à un tribunal de ne pas avoir recherché si le fait pour un huissier d'avoir établi au domicile du débiteur un inventaire de son patrimoine hors de sa présence et sans l'avoir appelé, n'avait pas causé à ce débiteur un préjudice moral. –  TGI Paris, 24 mai 1989, préc., à propos d'une personne poursuivie par l'huissier en exécution d'une décision de justice alors qu'elle s'était déjà acquittée du paiement de son obligation. –  CA Amiens, 1re ch. civ., 24 oct. 1995, Templier c/ Noaillon :  Juris-Data n° 1995-051888, préjudice moral consécutif à une hâte imprudente lors d'une expulsion. –  TGI Paris, 1re ch. 1re sect., 25 janv. 1996, Sokolsky c/ SCP Hangel et Louail :  Juris-Data n° 1996-040297, préjudice moral subi par le débiteur par la faute de l'huissier ayant continué les poursuites malgré les instructions données par le créancier. –  TGI Lyon, JEX, 9 janv. et 4 mars 1997, Colletta c/ SCP X : Gaz. Pal. 1998, 1, 136, note T. Moussa, atteinte morale entraînée par des saisies injustifiées), voire corporel ( Cass. 2e civ., 16 oct. 1991 : Bull. civ. II, n° 260;  JCP G 1991, IV, 440 ; Resp. civ. et assur. 1991, comm. 427 ; Gaz. Pal. 1992, 1, pan. jurispr. p. 28, concernant la chute d'une personne survenue au cours d'une vente publique, à la suite de la rupture d'un plancher).

Le plaignant pourrait aussi invoquer une perte de chance. Un créancier est ainsi en droit de se plaindre de la perte de chance de recouvrer sa créance (en raison de l'inertie fautive de l'huissier, TGI Paris, 1re ch., 26 mars 1992 : Gaz. Pal. 1994, 1, somm. p. 346. – CA Paris, 1re ch. B, 8 déc. 1995, Patrice Vivien c/ SARL Parly Distribution : Juris-Data n° 1995-600080 ; Gaz. Pal. 3 mars 1996, somm. p. 38. – CA Paris, 1re ch. A, 5 mai 1998, Crangerat c/ Sté Construction immobilière de l'Île-de-France : Juris-Data n° 1998-022055. – TGI Paris, 1re ch., 1re sect., 14 mai 1997, Sté Demsec c/ Mocci : Juris-Data n° 1997-041474. – CA Paris, 1re ch. A, 2 juill. 1997, SCP Bonhomme et Devaud c/ Mutualité sociale agricole de l'Île-de-France : Juris-Data n° 1997-022385. – CA Paris, 1re ch., 4 juill. 1997, Grangerat c/ SA Clark Material Handling France : Juris-Data n° 1997-022386 ; Gaz. Pal. 1998, 1, somm. p. 192. – TGI Paris, 1re ch., 1re sect., 19 nov. 1997, Boutin : Juris-Data n° 1997-047317. – CA Paris, 1re ch. A, 25 janv. 1999, SCP Lartigue Blanc Fix c/ SA Banque diffusion industrielle nouvelle Din : Juris-Data n° 1999-023052. – CA Paris, 1re ch. A, 8 févr. 2000, Gaucher c/ SA René Braff : Juris-Data n° 2000-113733) ou de la perte de chance de vendre un fonds de commerce ( CA Paris, 1re ch. A, 27 mars 1995, Gallais c/ AGF :  Juris-Data n° 1995-021155). Lorsque la faute de l'huissier a conduit à l'irrecevabilité d'une voie de recours, le plaideur qui a été empêché de faire valoir ses droits invoquera plus particulièrement la perte d'une chance de gagner son procès (rappr.  TGI Paris, 1re ch., 1re sect., 14 mai 1997, Le Fur c/ SCA Avalle :  Juris-Data n° 1997-041475, pour une faute inhérente à la signification d'un jugement ayant entraîné la recevabilité de l'appel tardivement interjeté par la partie adverse, avec pour conséquence de faire perdre au mandataire une chance sérieuse de mettre ledit jugement à exécution et de retrouver la libre disposition de son bien). Pour apprécier la réalité de ce préjudice, les juges ont coutume de rechercher, après examen du fond, si le grief contre la décision attaquée était sérieux et pouvait être accueilli par la juridiction saisie du recours (V. P. le Tourneau : op. cit. n° 516) ; ils n'accordent donc réparation que si l'existence de la voie de recours avait des chances d'aboutir ( CA Limoges, 19 déc. 1938 : Sem. Jur. 1938, 871, à propos de l'irrecevabilité d'un pourvoi en cassation. –  CA Rouen, 16 janv. 1973 : D. 1973, inf. rap. p. 31, concernant l'irrecevabilité d'un appel). Toutefois, les juridictions peuvent se montrer plus libérales en considérant que le seul fait, pour le plaideur, d'avoir été privé, par la faute de l'huissier, de la faculté de voir sa demande examinée en justice, quelle que soit la valeur de ses arguments, constitue un préjudice réparable ( Cass. 1re civ., 2 juin 1969, préc.).

47. – Absence de préjudice - En l'absence de préjudice subi par le demandeur, l'huissier ne peut à l'évidence être condamné à réparation. Par exemple, un créancier ne subit pas de préjudice lorsque, malgré les irrégularités de procédure commises par l'huissier, il a pu recouvrer ses créances ou lorsqu'il a chargé l'huissier de pratiquer une saisie légalement impossible, même si ce dernier est en faute d'avoir gardé le silence sur les raisons de son inaction ( Cass. 1re civ., 4 janv. 1961, préc.). Il a été jugé également que si un huissier n'a pas accompli les diligences nécessaires pour obtenir le recouvrement d'une créance, sa responsabilité ne saurait être engagée à défaut de préjudice subi par son client, lorsque la liquidation judiciaire du débiteur a été ultérieurement prononcée sans que les créanciers chirographaires bénéficient d'une distribution ( CA Aix-en-Provence, 1re ch. B, 31 oct. 1996, SA Brossette c/ SCP Lelièvre Turco Lelièvre :  Juris-Data n° 1996-055509). La responsabilité de l'huissier n'est pas non plus engagée, quand bien même, étant chargé de diligenter une procédure de saisie-arrêt, il n'a pas transmis dans les délais l'assignation en validité à l'avocat constitué, ce qui a entraîné sa caducité, faute de préjudice pour le créancier ou simplement de perte de chance d'être payé, compte tenu des faits de l'espèce ( Cass. 1re civ., 18 févr. 1997, Barthe c/ Lambert, préc.). Dans le même ordre d'idées, doit être rejetée l'action en responsabilité contre un huissier chargé du recouvrement d'une créance de somme d'argent en exécution d'une décision de justice, à qui il est reproché d'avoir opéré des saisies insuffisantes ayant fait perdre au créancier la possibilité d'obtenir paiement de la totalité de sa créance, dès lors que le créancier n'aurait pu justifier d'un préjudice que si la vente avait pu avoir lieu, sur sa demande, avant l'ouverture de la procédure collective, ce qui n'avait pas été le cas en raison du défaut de paiement de la provision réclamée par l'huissier ( Cass. 1re civ., 15 déc. 1998, Reisinger c/ Jacobs :  Juris-Data n° 1998-004908). Enfin, dans une affaire où la faute de l'huissier avait consisté à établir un procès-verbal contenant des énonciations insuffisantes pour permettre de déterminer le statut locatif d'un immeuble, les magistrats ont refusé, pour autant, de retenir la responsabilité de l'intéressé, faute de préjudice subi par le propriétaire, parce que les documents produits par ce dernier n'établissaient pas que le bien loué répondait aux normes imposées par la législation nouvelle et qu'il n'était pas démontré que le locataire avait reçu en retour le montant des sommes trop versées ( TGI Paris, 16 janv. 1992, Heurtebise c/ Jaunatre et autres : Rev. huissiers 1994, p. 567, note J.-J. Bourdillat).

3° Lien de causalité

48. – La responsabilité de l'huissier suppose, enfin, que soit établi un rapport de cause à effet entre la faute et le préjudice.

49. – Absence de lien de causalité - On ne saurait condamner l'huissier à réparer un dommage qui n'est pas la conséquence de la faute qu'il a commise (par exemple, TGI 17 juin 1981 : Rev. huissiers 1982, p. 135, obs. A. Lescaillon, qui déboute le demandeur pour défaut de lien de causalité entre l'indication par l'huissier d'un prénom erroné sur l'enveloppe contenant l'acte et le préjudice allégué par le destinataire qui n'a pu faire valoir à temps ses droits de créancier inscrit. – Cass. 3e civ., 4 juill. 2001, Sté Chaussures Cendry c/ Nakache : Juris-Data n° 2001-010486; JCP G 2001, IV, 2632, pour un huissier n'ayant pas été mis en mesure de délivrer valablement la résiliation d'un bail commercial, en raison d'une erreur sur l'identité du bailleur qui ne lui était pas imputable. – TGI Paris, 1re ch., 27 mai 1992, Colette Attia c/ Me J.-J. Delubac : Gaz. Pal. 1994, 1, somm. p. 345, jugeant qu'il n'y a pas de lien de causalité entre, d'une part, la faute de l'huissier, ayant consisté à pénétrer dans l'appartement d'une personne étrangère à la procédure pour y pratiquer une saisie, et, d'autre part, les dépenses de travaux effectués pour le compte d'un tiers et le trouble de jouissance lié au retard dans la libération du propre appartement de la cliente. – CA Paris, 1re ch. A, 12 sept. 2001, SA Crédit immobilier général c/ Piquet : Juris-Data n° 2001-162221, pour une absence de lien de causalité entre l'imperfection d'un acte de saisie-attribution imputable à la faute de l'huissier et le préjudice allégué).

50. – Partage de la responsabilité - Enfin, on peut indiquer que le dommage ne résultera pas toujours de la seule faute de l'huissier. Conformément au droit commun, la participation fautive de la victime à la production de son propre dommage permettra à l'huissier de s'exonérer partiellement de sa responsabilité ( CA Caen, 1re ch., 9 févr. 1999, SCP Brossault et Holland c/ Société d'étude et d'entreprise Laugeois :  Juris-Data n° 1999-113463). De même, lorsque l'action en responsabilité est dirigée contre le client de l'huissier, il n'est pas rare que le demandeur forme contre l'huissier un appel en garantie qui, s'il est fondé, donne lieu à un partage de responsabilité ( Cass. com., 1er févr. 1971 : Bull. civ. IV, n° 31, pour un partage de responsabilité entre le bailleur d'un local commercial et l'huissier dont il était le mandant. –  CA Douai, 1re ch., 19 févr. 1992, préc., à propos du partage de responsabilité entre un créancier saisissant et l'huissier qui avait été requis par lui). En outre, le demandeur peut, le cas échéant, intenter son action à la fois contre l'huissier et un tiers, qui sera le plus souvent un autre professionnel (Cass. 1re civ., 22 juill. 1968, préc., qui condamne in solidum un huissier et un agent d'affaires. – Cass. 1re civ., 30 avr. 1969, préc., pour la responsabilité in solidum d'un huissier et d'un notaire. – CA Rennes, 1re ch. B, 12 déc. 1997, SCP Guignard c/ Maussion : Juris-Data n° 1997-049141, appel en garantie d'un commissaire-priseur contre un huissier. – CA Lyon, 1re ch., 24 janv. 2002, SCP Simon Breynat c/ Banque régionale : Juris-Data n° 2002-167964, pour un partage de responsabilité entre un huissier et un agent immobilier. – Cass. 1re civ., 14 nov. 2001, M. M. c/ SCP M.-N. : Rev. huisiers 2002, p. 128, entre un huissier et un avoué. – TGI Paris, 1re ch., 1re sect., 1er déc. 1999, SCI Les Rouelles c/ SCP Regnier-Nocquet : Juris-Data n° 1999-104692. – CA Paris, 1re ch., sect. A, 15 mars 2000, SCP André Meyer et Isabelle Meyer c/ Lemaire : Juris-Data n° 2000-109271. – Cass. 1re civ., 20 juin 2000, Grattirola c/ Cie Allianz Via Assurances, préc., condamnations d'un huissier et d'un avocat. – TGI Paris, 1re ch., 1re sect., 29 avril 1998, Deurberge c/ Sté Perrin et Chaffotaux : Juris-Data n° 1998-043607, pour un partage de responsabilité avec un administrateur de biens. – V. H. Croze, Le partage de responsabilité entre les avocats et autres auxiliaires de justice (avoués à la cour, huissiers de justice) : La responsabilité des gens de justice, XXIIe colloque des instituts d'études judiciaires, Justices, n° 5, 1997, p. 79).

Une fois remplies les conditions de la responsabilité civile de l'huissier, celle-ci produira les effets de droit commun. Le législateur a cependant pris la précaution de préciser plus avant certaines conséquences, qu'il faut examiner.

B. –  Effets de la responsabilité

51. – Bien évidemment, la responsabilité a pour effet de mettre à la charge des huissiers de justice l'obligation de réparer les conséquences dommageables de leurs fautes (1°). Mais, par souci de protéger les intérêts des victimes, la réparation de leur préjudice a été assortie d'une garantie (2°).

Par ailleurs, à l'avenir, il n'est pas exclu que la recevabilité des huissiers soit riche de nouvelles conséquences. C'est ainsi que, récemment, la Cour européenne des droits de l'homme a énoncé qu'elle ne saurait admettre que les huissiers de justice n'agissent pas, dans l'exercice de leurs fonctions, en tant qu'organes publics de l'État ; en conséquence, lorsque la faute de l'un d'entre eux entraîne une déclaration d'irrecevabilité d'une demande, le requérant subit une entrave disproportionnée à son droit d'accès à un tribunal ( CEDH, 2e sect., 11 janv. 2001, aff. Platakou c/ Grèce : Rev. Huissiers 2001, p. 233, obs. J.-P. Margenaud ; Rappr., en matière d'expulsion,  CEDH, 2e sect., 11 janv. 2001, aff. P.M., Lunari et Tanganelli c/ Italie : Rev. Huissiers 2001, p. 170, obs. J.-P. Margenaud).

1° Obligation à réparation

52. – L'huissier reconnu responsable peut être condamné, d'une part, au paiement des frais et dépens (a), d'autre part, au versement de dommages-intérêts (b).

a) Paiement des frais et dépens

53. – Textes applicables - Il résulte de l'article 650 du Nouveau Code de procédure civile que les frais afférents aux actes nuls ou inutiles sont à la charge des huissiers de justice qui les ont faits. Aux termes des articles 697 et 698 du même code, les huissiers supporteront aussi les dépens afférents aux actes et procédures d'exécution accomplis en dehors des limites de leur mandat, injustifiés ou nuls par l'effet de leur faute (V. aussi  L. 9 juill. 1991, art. 32).

De son côté, l'article 566 du Code de procédure pénale dispose que l'huissier peut être condamné aux frais de l'exploit déclaré nul par son fait et de la procédure annulée.

54. – Mise en oeuvre - On relèvera que les conditions d'application procédurales des articles 650 et 698 sont controversées. Une certaine pratique judiciaire applique, en effet, ces textes de plein droit alors même que l'huissier n'a pas été appelé à l'instance ( CA Versailles, 2 févr. 1996, X c/ Y et autre :  Juris-Data n° 1996-040551;  JCP G 1997, I, 3989, n° 1, obs. L. Cadiet ; D. 1996, somm. p. 350, obs. P. Julien) ; or, on pourrait valablement soutenir que cette jurisprudence méconnaît le principe du contradictoire (P. Julien : obs.  CA Versailles, 2 févr. 1996, X c/ Y et autre, D. 1996, somm. p. 350). De plus, la question des voies de recours ouvertes à l'huissier n'est pas résolue, même si certaines juridictions ont admis la possibilité pour l'intéressé de former tierce opposition à la décision de condamnation (V. P. Brunel, La juridiction de l'exécution et la responsabilité de l'huissier : compétence et conditions de mise en oeuvre : D. 1997, chron. p. 370, et les références citées. – V.  CA Paris, 1re ch. A, 17 mars 1992, SCI La Ferronnière c/ B. :  Juris-Data n° 1992-020511;  JCP G 1992, IV, 2174, condamnation de l'huissier à rembourser au mandant la somme que ce dernier a été condamné à payer sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile. –  CA Versailles, 2 févr. 1996, X c/ Y et autre : préc., mise des dépens à la charge d'un huissier ayant diligenté une procédure contre une personne autre que celle qui aurait dû être assignée, en raison d'une légèreté fautive. –  CA Versailles, 1re ch., 2e sect., 4 oct. 1996, Castro c/ SCI Des Fermettes :  Juris-Data n° 1996-044615, condamnation à payer les frais de l'assignation et les dépens de l'instance, en raison de la nullité affectant une assignation et la procédure subséquente).

En toute hypothèse, les frais et dépens seront à la charge de l'huissier sans préjudice des dommages-intérêts éventuellement réclamés par la victime.

b) Versement de dommages-intérêts

55. – Responsabilité contractuelle et responsabilité délictuelle - Comme toute victime, celui qui a subi un préjudice par la faute d'un huissier peut en demander réparation sous forme de dommages-intérêts. Mais il faut rappeler que dans les rapports contractuels entre l'huissier et ses clients, à l'exception des cas de responsabilité légale pour irrégularité d'un acte ou d'une procédure  (V. supra n° 19 à 22), la réparation est limitée aux conséquences normalement prévisibles de l'inexécution ou de la mauvaise exécution du contrat de mandat, conformément à l'article 1150 du Code civil. En revanche, la responsabilité délictuelle ou quasi-délictuelle, qui est illimitée, astreint l'huissier à réparer l'entier préjudice résultant de sa faute.

56. – Évaluation du préjudice - Quelle que soit la nature de la responsabilité de l'huissier, l'évaluation du montant des dommages-intérêts est laissée à l'appréciation des juges du fond, compte tenu de l'étendue du préjudice. C'est ainsi que l'indemnité allouée au demandeur pourra être limitée aux frais de procédure, par exemple, en cas d'irrecevabilité d'une voie de recours par la faute de l'huissier, lorsque les chances de succès de ce recours étaient nulles ou quasiment nulles ( CA Nancy, 28 févr. 1934 : S. 1934, 2, 237, à propos d'un appel qui n'avait aucune chance d'aboutir. –  CA Paris, 30 oct. 1956, préc., concernant une opposition à contrainte dont le rejet était hautement probable). De même, lorsque, par le fait de l'huissier, un créancier n'a pu recouvrer sa créance, les juges alloueront des dommages-intérêts d'un montant inférieur à celui de ladite créance si la solvabilité du débiteur était douteuse de telle sorte que, même sans la faute de l'huissier, le créancier n'aurait pu obtenir l'entier paiement de ce qui lui était dû ( T. civ. Seine, 8 avr. 1937 : Gaz. Pal. 1937, 2, 276).

Comme en droit commun, le montant de la réparation dépend exclusivement du préjudice subi par la victime, sans qu'il y ait lieu de tenir compte de la gravité de la faute commise par l'huissier ( TGI Lyon, JEX, 9 janv. et 4 mars 1997, Colletta c/ SCP X : Gaz. Pal. 1998, 1, 136, note T. Moussa).

57. – Enfin, l'huissier pourra être tenu à des restitutions, s'il a procédé à des recouvrements irréguliers ( Cass. 1re civ., 17 nov. 1993, Wagner c/ de Brousse de Montpeyroux et a. :  Juris-Data n° 1993-002722 ; Bull. civ. I, n° 330;  JCP G 1994, IV, 156 ; D. 1993, inf. rap. p. 261).

2° Garantie de la réparation

58. – La Chambre nationale des huissiers de justice garantit la responsabilité professionnelle des huissiers, y compris celle encourue à raison de leurs activités accessoires prévues à l'article 20 du décret n° 56-222 du 29 février 1956, en tant qu'administrateur d'immeubles ou agent d'assurances ( Ord. n° 45-2592, art. 2, al. 4, issu de  L. n° 92-644, 13 juill. 1992).

59. – La chambre départementale perçoit sur chacun de ses membres, une cotisation spéciale dont le montant est fixé par la Chambre nationale, destinée à financer la garantie de la responsabilité professionnelle. Les sommes ainsi perçues sont remises à la Chambre nationale ( D. n° 56-222, 29 févr. 1956, art. 55, al. 4, mod.  D. n° 94-299, 12 avr. 1994. – V. aussi,  D., 29 févr. 1956, art. 74 et 75).

Dès lors, même si elle obéit globalement au droit commun, on aperçoit que la mise en oeuvre de la responsabilité de l'huissier conserve des particularités. À dire vrai, celles-ci sont accentuées au regard de la procédure à suivre.

C. –  Règles de procédure

60. – Les principes de procédure, permettant la mise en cause de l'huissier de justice, ont été récemment modifiés pour constituer un régime d'exception. Ces règles se rapportent aussi bien à la compétence du juge (1°) qu'au délai de prescription (2°).

1° Juge compétent

61. – Initialement, la détermination de la juridiction compétente pour connaître des actions en responsabilité contre les huissiers de justice a pu paraître délicate. Plus précisément, la question s'est posée de savoir s'il fallait reconnaître cette compétence au tribunal de grande instance ou au juge de l'exécution (V. S. Guinchard et T. Moussa, Droit et pratique des voies d'exécution : éd. 2001/2002, Dalloz Action, n° 2327 s.).

62. – À cet égard, l'article L. 311-12-1, alinéa 3 du Code de l'organisation judiciaire (issu de la loi du 9 juillet 1991) dispose que le juge de l'exécution connaît sous la même réserve des demandes en réparation fondées sur l'exécution ou l'inexécution dommageables des mesures d'exécution forcées ou des mesures conservatoires. Tirant argument de la généralité des termes de ce texte, plusieurs auteurs estimaient ainsi que la compétence du juge de l'exécution devait être considérée comme étant générale, exclusive et d'ordre public (par ex., J. Beaux Lamotte, Le juge de l'exécution : Gaz. Pal. 1993, 1, doct. p. 282. – F. Brunel, La juridiction de l'exécution et la responsabilité de l'huissier : compétence et conditions de mise en oeuvre : D. 1997, chron. p. 370. – H. Croze, La loi n° 91-650 du 9 juill. 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution : le nouveau droit commun de l'exécution forcée :  JCP G 1992, I, 3555, n° 29. – P. Hoonakker, Le juge de l'exécution : Gaz. Pal. 1993, 1, doct. p. 321. – F. Kamara, Agents de l'exécution :  J.-Cl. Procédure civile  Fasc. 2180, 120 s. –, J. Normand : RTD civ. n° spécial hors-série, consacré à la réforme des procédures civiles d'exécution, 1993, p. 36, n° 14. – T. Moussa : Note  TGI Lyon, JEX, 9 janv. et 4 mars 1997, Colletta c/ SCP X et  TGI Lyon, JEX, 1er avr. 1997, Meyerie c/ SCP X : Gaz. Pal. 1998, 1, p. 136).

Un certain courant de pensée tendait, malgré tout, à nier les prérogatives du juge de l'exécution au motif que la compétence des juridictions d'exception doit être strictement interprétée et que cette juridiction n'est pas adaptée par le type de procédure orale à protéger l'huissier qui est confronté au risque de contestations.

63. – La jurisprudence a finalement pris parti en faveur de la première analyse. Dans plusieurs décisions, le juge de l'exécution s'est ainsi reconnu compétent ( CA Besançon, 24 mai 1996, Garcia c/ Tuaillon :  Juris-Data n° 1996-042783. –  TGI Lyon, JEX, 9 janv. et 4 mars 1997, Colletta c/ SCP X : Gaz. Pal. 1998, 1, p. 136, note T. Moussa. –  TGI Lyon, JEX, 1er avr. 1997, Meyerie c/ SCP X : Gaz. Pal. 1998, 1, p. 137, note T. Moussa. – Contra  TGI Paris, JEX, 13 avr. 1995 : Bull. inf. C. cass., 1er déc. 1995, n° 2255), et cette position a été confirmée par la Cour de cassation ( Cass. 2e civ., 24 juin 1998, Tremelot c/ Sté Comareg et autre :  Juris-Data n° 1998-002995 ; Bull. civ. II, n° 222 ; D. 1999, jurispr. p. 148, note P. Hoonakker ; D. 1999, somm. p. 221, obs. P. Julien;  Procédures 1998, comm. n° 191, obs. R. Perrot ; RTD civ. 1998, p. 753, obs. R. Perrot). L'avantage de cette solution consiste à éviter une dispersion du contentieux.

64. – Quoi qu'il en soit, l'intervention du juge de l'exécution est, de toute façon, limitée aux actions en réparation des dommages consécutifs à l'exécution ou l'inexécution d'une mesure d'exécution forcée ou d'une mesure conservatoire. Dans les autres cas, ce sont les règles de droit commun qui ont vocation à s'appliquer. Au surplus, en vertu des articles L. 311-12-2 du Code de l'organisation judiciaire, le juge de l'exécution conserve toujours la faculté de renvoyer à la formation collégiale du tribunal de grand instance statuant comme juge de l'exécution (F. Kamara : op. cit., n° 121 et 122). En dernier lieu, il a été jugé que la compétence du juge de l'exécution est limitée aux demandes de paiement de dommages et intérêts par opposition à un appel en garantie (JEX  Dunkerque, 27 mars 2002, Me W. liquidateur de la SARL Maisons pour tous c/ SCI Fockedey et autre : Rev. huissiers 2002, p. 253).

Par ailleurs, le juge du surendettement n'est pas compétent pour statuer sur la responsabilité professionnelle d'un huissier de justice ( Cass. 1re civ., 13 oct. 1999 : Juris-Data n° 1999-003535, dans une espèce où le débiteur reprochait à l'huissier d'avoir fait procéder au changement des serrures de son appartement en dépit de l'octroi de délais par le juge en vue d'une vente amiable de ce bien par le débiteur, ce qui aurait rendu impossibles les visites, et partant sa vente).

2° Délai de prescription

65. – L'article 2277-1 du Code civil, dans sa rédaction issue de la loi n° 89-906 du 19 décembre 1989, prévoit que l'action dirigée contre les personnes légalement habilitées à représenter ou à assister les parties en justice à raison de la responsabilité qu'elles encourent de ce fait se prescrit par dix ans à compter de la fin de leur mission.

Le délai de prescription a ainsi été réduit à une durée de dix ans lorsque l'huissier de justice a représenté ou assisté son client. Dans les autres cas, il y a lieu d'appliquer les règles de droit commun de la prescription, d'une durée de trente ans.

66. – Il reste que si l'huissier, comme toute personne ayant causé par sa faute un dommage à autrui, est redevable à la victime de la réparation de son préjudice, il est aussi comptable vis-à-vis de la profession de ses manquements à la discipline. Les deux procédures sont, finalement, indépendantes (V.  Cass. 1re civ., 27 mai 1998, Jean-Marc W c/ Roger K : Rev. huissiers 2000, p. 93, note M. Roussille et J.-J. Daigre ; Rev. huissiers 1999, p. 220 ; D. 1998, inf. rap. p. 162, ayant jugé que, lorsqu'un professionnel est relaxé disciplinairement, la victime peut malgré tout demander des dommages et intérêts).

III. –  Responsabilité disciplinaire des huissiers de justice

67. – Les causes de la responsabilité disciplinaire et les sanctions encourues par l'huissier sont énoncées dans l'ordonnance n° 45-1418 du 28 juin 1945. Pour l'étude de la procédure disciplinaire, il faut se reporter non seulement à ce texte, mais également au décret n° 73-1202 du 28 décembre 1973 pris en application de la loi n° 73-546 du 25 juin 1973 qui a modifié l'ordonnance. On étudiera, tout d'abord, les causes de la responsabilité (A) pour examiner, ensuite, les sanctions (B) et la procédure applicables (C).

A. –  Causes de la responsabilité

68. – Agissements matériels - L'huissier de justice peut être poursuivi et sanctionné disciplinairement pour toute contravention aux lois et règlements, toute infraction aux règles professionnelles, tout fait contraire à la probité, à l'honneur ou à la délicatesse, même se rapportant à des faits extraprofessionnels  (ord. du 28 juin 1945, art. 2, al. 1).

L'acceptation de la démission de l'huissier ne fait pas obstacle à ce que des poursuites disciplinaires soient engagées postérieurement, si les faits reprochés ont été commis pendant l'exercice de ses fonctions  (ord. 28 juin 1945, art. 2, al. 2).

Par exemple, commet une faute passible de sanctions disciplinaires, l'huissier qui ne respecte pas les prévisions de l'article 25 du décret n° 96-1080 du 12 décembre 1996 (portant fixation du tarif des huissiers de justice en matière civile et commerciale) prévoyant que toute somme remise en paiement entre ses mains par un débiteur pour le règlement d'une créance doit être reversée au créancier dans un délai minimum (V.  TI Menton, 28 mai 1991, Me X c/ Zevaco : D. 1991, inf. rap. p. 172, concluant à l'absence de droit de rétention) ; plus radicalement, encourt une condamnation l'huissier qui détourne des objets saisis et destinés à être vendus aux enchères ( CA Rouen, 1re ch. civ., 27 mars 1996, X c/ Procureur général près  CA Rouen : Juris-Data n° 1996-041190).

Encore faut-il que les faits soient avérés. Si les agissements reprochés à l'huissier ne sont pas établis, le plaignant se rend éventuellement coupable de dénonciation calomnieuse au sens de l'article 226-10, alinéa 3 du Code pénal ( TGI Montpellier, 3e ch. correctionnelle, 27 juin 1996, Ministère public c/ André Lyautey du Magny Jean et Me E. partie civile : Rev. huissiers 1997, p. 843).

En outre, la sanction doit être fondée sur un texte applicable ( Cass. 1re civ., 10 janv. 1995, M. Daniel G. c/ M. le Président de la Chambre départementale des huissiers de justice du Rhône et autre : Rev. huissiers 1995, p. 365).

69. – Élément moral - Il a été jugé que l'intention de nuire n'est pas nécessaire pour caractériser la faute ( Cass. 1re civ., 21 févr. 1995, Proc. gén. près  CA Lyon c/ Benichou :  JCP G 1995, IV, 991 ; D. 1995, inf. rap. p. 96 : exercice des fonctions annexes et non autorisées de gérant de sociétés) ; bien plus, la responsabilité est engagée même en l'absence de faute intentionnelle ( Cass. 1re civ., 30 janv. 1996, X c/ Proc. gén. près  CA Nancy et a. :  Juris-Data n° 1996-000308;  JCP G 1996, IV, 665 ; D. 1996, inf. rap. p. 60 : non-exécution par l'huissier de trois mandements de citation adressés par le Ministère public, renvoyés au parquet sans explication et trop tardivement pour que les citations puissent encore être délivrées pour les audiences fixées).

B. –  Sanctions disciplinaires

70. – L'huissier contre lequel est établi un manquement à la discipline encourt l'une des peines énoncées, par ordre de gravité, à l'article 3 de l'ordonnance du 28 juin 1945 : le rappel à l'ordre (pour un exemple d'application, V.  Cass. 1re civ., 30 janv. 1996, X c/ Proc. gén. près  CA Nancy et a. : préc.) ; la censure simple ; la censure devant la chambre assemblée ; la défense de récidiver ; l'interdiction temporaire (ajoutée, loi du 25 juin 1973 ; par ex.,  CA Rouen, 1re ch. civ., 27 mars 1996, X c/ Procureur général près  CA de Rouen : préc.) ; la destitution.
71. – Seules les peines les plus graves produisent des effets qui méritent d'être soulignés. L'interdiction temporaire emporte l'impossibilité pour l'huissier, pendant la durée de cette interdiction, d'exercer une quelconque activité dans son office ou pour le compte de celui-ci  (ord. 28 juin 1945, art. 23) ; l'article 3 ne précise pas la durée de l'interdiction, si bien que celle-ci est librement fixée par le juge (la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou le Pacte international de New York s'appliquent uniquement en matière pénale, non en matière disciplinaire, si bien que cette absence de précision préalable ne constitue pas un obstacle au prononcé de la sanction,  Cass. 1re civ., 4 déc. 2001, M. B. c/ Procureur général de la cour d'appel d'Orléans : Rev. huissiers 2002, p. 129). Quant à la destitution, sanction la plus sévère pouvant frapper l'huissier, elle entraîne la cessation de l'activité professionnelle (ord. 1945,  art. 24, al. 1), la privation du droit de présentation et la cession d'office de l'étude  (ord. 28 juin 1945, art. 24, al. 2).

72. – Dès le moment où le jugement ayant prononcé l'une de ces deux peines est devenu exécutoire, l'huissier interdit ou destitué doit donc s'abstenir de tout acte professionnel et ne peut faire état, dans sa correspondance, de sa qualité d'huissier de justice  (ord. 28 juin 1945, art. 26).

73. – Tout acte accompli par l'huissier au mépris des articles 23, 24, alinéa 1 et 26 de l'ordonnance est puni des peines encourues pour le délit d'usurpation de titre prévu par l'article 433-17 du Code pénal ( ord. 28 juin 1945, art. 31, mod. par la  L. n° 92-1336 du 16 déc. 1992).

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74. – Par ailleurs, l'interdiction temporaire et la destitution sont assorties d'une sanction accessoire consistant dans l'inéligibilité définitive de l'huissier aux chambres, organismes et conseils professionnels. En outre, l'huissier destitué n'est pas inscrit sur les listes électorales dressées pour l'exercice des droits civiques  (ord. 28 juin 1945, art. 4, al. 2 et 3).

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75. – Les autres sanctions peuvent être accompagnées de la peine complémentaire de l'inéligibilité qui, si elle est prononcée, ne doit pas excéder une durée de dix ans  (ord. 28 juin 1945, art. 4, al. 1).

C. –  Procédure disciplinaire

76. – Les poursuites disciplinaires s'exercent soit devant la chambre de discipline (1°), soit devant le tribunal de grande instance, en fonction de la peine encourue par l'intéressé (2°). Mais il faut indiquer que l'huissier mis en cause disciplinairement ou pénalement peut également faire l'objet d'une procédure en suspension provisoire (3°).

Conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation, l'engagement de poursuites pénales ne fait pas obstacle à l'exercice parallèle d'une action disciplinaire ( Cass. 1re civ., 2 avr. 1997, M. X c/ Procureur général près la cour d'appel d'Aix-en-Provence : Bull. civ. I, n° 115, jugeant, à propos de l'engagement de poursuites à la fois pénales et disciplinaires contre un avocat, que ce dernier ne saurait invoquer une violation de la règle non bis in idem non plus qu'une méconnaissance de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou du Pacte international de New York. – V. aussi  Cass. crim., 27 mars 1997 : Bull. crim., n° 128 ; D. 1998, somm. p. 172, obs. J. Pradel).

1° Poursuites devant la chambre de discipline

77. – La chambre de discipline est compétente pour prononcer les peines les moins graves, à savoir le rappel à l'ordre, la censure simple et la censure devant la chambre assemblée  (ord. 28 juin 1945, art. 9).

78. – Il appartient au syndic de saisir la chambre soit d'office, soit sur l'invitation du procureur de la République, soit sur la demande d'un membre de la chambre ou des parties intéressées  (ord. 28 juin 1945, art. 6).

79. – En toute hypothèse, le syndic doit délivrer à l'huissier poursuivi une citation à comparaître aux conditions prévues par le décret du 28 décembre 1973  (D. n° 73-1202, 28 déc. 1973, art. 4 et 5). Une copie de cette convocation est notifiée au procureur de la République si les poursuites n'ont pas été engagées à la demande de ce magistrat. La procureur a alors la possibilité de faire citer l'huissier devant le tribunal de grande instance ; dans ce cas, il notifie sa décision au syndic et la chambre de discipline qui, entre-temps, aura dû surseoir à statuer, est dessaisie  (ord. 28 juin 1945, art. 6-1 ; D. 28 déc. 1973, art. 6).

80. – Hors le cas où elle est dessaisie, la chambre de discipline procède à une instruction  (D. 28 déc. 1973, art. 7), puis statue dans les conditions fixées par le décret de 1973  (D. 28 déc. 1973, art. 8 à 12). Elle peut prononcer l'une des peines principales et complémentaires précédemment indiquées  (V. supra n° 75, 77) ou relaxer l'huissier. Toutefois, si elle estime que la faute commise justifie une sanction plus grave, elle charge son président de citer directement l'huissier devant le tribunal de grande instance, à moins qu'elle ne laisse au procureur de la République l'initiative des poursuites devant cette juridiction  (D. 28 déc. 1973, art. 10).

81. – Les décisions de la chambre de discipline peuvent être déférées devant la cour d'appel par l'huissier intéressé et par le procureur de la République  (ord. 28 juin 1945, art. 37, al. 1 ; D. 28 déc. 1973, art. 35 à 38). Il résulte de la combinaison des articles 5 de l'ordonnance du 28 juin 1945, 6, 2° et 4° de l'ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945, 3 et 35 du décret du 28 décembre 1973 que la chambre départementale des huissiers de justice, qui statue comme juridiction disciplinaire de premier degré, ne peut être partie dans l'instance disciplinaire devant la cour d'appel (en l'espèce, un huissier de justice avait interjeté appel de la décision de la chambre de discipline qui avait prononcé contre lui une peine de rappel à l'ordre ; or, la cour d'appel avait mentionné, en qualité d'intimée, la chambre départementale des huissiers de justice "représentée par M. X, avocat",  Cass. 1re civ., 8 juill. 1994, Garcia c/ Chambre départementale des huissiers de justice et autres :  JCP G 1994, IV, 2232 ; D. 1994, inf. rap. p. 209).

2° Poursuites devant le tribunal de grande instance

82. – Lorsque la peine encourue est la défense de récidiver, l'interdiction temporaire ou la destitution, le tribunal de grande instance, statuant disciplinairement, est saisi par une assignation délivrée à l'huissier soit à la requête du procureur de la République, soit à celle du président de la chambre de discipline ou encore de la personne qui se prétend lésée  (ord. 28 juin 1945, art. 10 ; D. 28 déc. 1973, art. 13).

83. – Si l'action disciplinaire est exercée par le président de la chambre de discipline ou par toute personne qui se prétend lésée par l'huissier, le procureur de la République est obligatoirement entendu ; si elle est exercée à la requête du procureur, le président de la chambre ou la personne lésée peuvent intervenir à l'instance ; dans tous les cas, ils peuvent demander l'allocation de dommages-intérêts  (ord. 28 juin 1945, art. 10).

84. – La saisine du tribunal de grande instance peut être motivée par les faits mêmes qui ont donné lieu à poursuite devant la chambre de discipline, que celle-ci n'ait pas statué, qu'elle ait relaxé l'huissier ou prononcé l'une des peines de sa compétence  (ord. 28 juin 1945, art. 11).

85. – L'huissier comparaît et la juridiction statue dans les conditions énoncées aux articles 14 à 19 du décret du 28 décembre 1973. Les décisions du tribunal sont susceptibles d'appel  (ord. 28 juin 1945, art. 37, al. 2 et à 5 ; D. 28 déc. 1973, art. 35 à 38) ; cependant, s'agissant de la partie lésée, cette voie de recours n'est ouverte qu'en ce qui concerne les dommages et intérêts (il a été jugé que l'appel demeure recevable même si l'huissier a été relaxé des poursuites disciplinaires en première instance,  Cass. 1re civ., 27 mai 1998, préc.).

3° Suspension provisoire

86. – La suspension provisoire est régie par les articles 32 à 35 de l'ordonnance du 28 juin 1945 et par les articles 30 à 34 du décret du 28 décembre 1973.

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87. – Lorsqu'un huissier de justice fait l'objet d'une poursuite disciplinaire ou pénale, il peut se voir suspendre provisoirement l'exercice de ses fonctions par le tribunal de grande instance saisi à la requête du procureur de la République ou du président de la chambre de discipline. Il a été jugé que le principe du droit au respect de la présomption d'innocence ne constitue pas un obstacle au prononcé de la suspension provisoire ( CA Aix-en-Provence, 1re ch. civ. B, 18 avr. 2002, Chambre départementale des huissiers de justice des Alpes-Maritimes c/ Tournière :  Juris-Data n° 2002-178072).

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88. – En cas d'urgence, la suspension provisoire peut être décidée, même avant l'exercice des poursuites, si des inspections ou vérifications ont laissé apparaître des risques pour les fonds, effets et valeurs confiés à l'huissier à raison de ses fonctions (par exemple,  CA Pau, 1re ch., 12 nov. 1997, Procureur de la République c/ Lalanne :  Juris-Data n° 1997-047901, où les magistrats relèvent que les fonds clients recouvrés servaient à régler les frais de fonctionnement de deux études au lieu d'être adressés à leur légitime propriétaire et qu'en outre, de nombreux fonds clients n'avaient pas été recouvrés et pour une bonne part ne le seraient jamais). Dans ce cas, le prononcé de la suspension appartient au juge des référés saisi à la requête soit du procureur de la République agissant à la demande ou sur l'avis de la chambre départementale des huissiers de justice, soit du président de la chambre de discipline.

89. – La suspension produit, à titre provisoire, les mêmes effets que ceux de l'interdiction temporaire ou de la destitution  (V. supra n° 71 à 75). Il peut y être mis fin, à tout moment, par le tribunal de grande instance à la demande du procureur de la République ou de l'huissier suspendu ; la suspension cesse de plein droit à l'extinction de l'action pénale ou disciplinaire ou bien encore, au cas où elle a été prononcée par le juge des référés avant l'exercice des poursuites, lorsqu' aucune action n'a été engagée contre l'huissier à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de son prononcé.

 

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